
L’autrice, Julie Otsuka, fait ressortir un pan assez méconnu de l’histoire de ces femmes japonaises au début du XXème siècle.
En effet, par l’intermédiaire d’une entremetteuse, elles se choisissaient un mari sur photo et lettre afin de partir pour les Etats-Unis en bateau et échapper à une condition incertaine dans leurs pays. Leurs futurs époux étaient des nippo-américains célibataires désirant trouver une femme de leur pays d’origine.
EXTRAIT
Sur le bateau nous étions presque toutes vierges. Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n’étions pas très grandes. Certaines d’entre nous n’avaient mangé toute leur vie durant que du gruau de riz et leurs jambes étaient arquées, certaines n’avaient que quatorze ans et c’étaient encore des petites filles. Certaines venaient de la ville et portaient d’élégants vêtements, mais la plupart d’entre nous venaient de la campagne, et nous portions pour le voyage le même vieux kimono que nous avions toujours porté – hérité de nos sœurs, passé, rapiécé, et bien des fois reteint. Certaines descendaient des montagnes et n’avaient jamais vu la mer, sauf en image, certaines étaient filles de pêcheur et elles avaient toujours vécu sur le rivage.
Ces immigrantes en route vers San Francisco espéraient une vie meilleure et n’hésitaient pas à faire une longue et éprouvante traversée en bateau pour rejoindre les hommes qui leur feront toucher du doigt ce rêve américain. Certaines n’avaient que quatorze ans…
Ce roman présente la vie de ces femmes avec leurs maris et leurs enfants. Elles sont bien loin de leurs espérances jusqu’à ce que les événements de Pearl Harbour dus à la seconde guerre mondiale fassent voler en éclat tout ce qu’elles avaient patiemment enduré et construit.
Tous les japonais qui étaient alors appréciés pour leur discrétion, leur politesse deviennent les ennemis de l’Amérique au moment de l’attaque de Pearl Harbor. Les délations sont à l’honneur. Certains hommes disparaissent, des familles entières sont délocalisées on ne sait où…
EXTRAIT
Les japonais ont disparu de notre ville. Leurs maisons sont vides, murées. Leurs boîtes aux lettres débordent.Les journaux délaissées s’amoncellent sur les vérandas affaissées et dans les jardins. les voitures restent immobiles dans les allées. D’épaisses touffes de mauvaises herbes surgissent au milieu de leurs pelouses. Derrière la maison, les tulipes se fanent. Des chats de gouttière se promènent. Quelques vêtements restent accrochés sur le cordes à linge. Dans une de leurs cuisines – celle d’Emi Saito – un téléphone noir ne cesse de sonner.

Ma note coup de coeur : 5/5
Ce que j’en pense…
Un monde de femmes courageuses, déterminées dans une réalité difficile qui semble ne pas avoir d’ouverture.
Le sort de ces jeunes immigrées japonaises est émouvant. Elles perdront leurs illusions très rapidement mais résisteront pour leurs enfants. Elles seront déterminées et ne perdront pas leur courage jusqu’à l’expulsion…
Même si l’on se perd un peu dans tous ces destins qui s’entrecroisent, l’histoire vous transporte. C’est une histoire de racisme américain contre les japonais, d’immigration, d’intégration et de perte de sa propre identité où la condition féminine y est abordée sans détours.
Ce refus de l’étranger japonais engendra la déportation de 110 000 civils dans des camps. Ils retrouvèrent leur liberté que quelques années plus tard. C’est seulement en 1988 que le Congrès Américain leur présenta des excuses et accorda à chaque personne encore en vie la somme de 20 000 dollars…
L’autrice…

Julie Otsuka est née d’une mère américaine d’origine japonaise et d’un père japonais. Elle fait ses études supérieures à l’université de Yale où elle a été diplômée en art (peinture et sculpture) en 1984.
Julie Otsuka a commencé par la peinture. Elle a peint beaucoup, « de façon libre et inconsciente » dit-elle, jusqu’au moment où elle s’est inscrite à l’université pour poursuivre des études dans cette discipline. Et là, la pression et l’obligation de produire beaucoup et selon certains critères l’ont coupée de son inspiration et elle a abandonné ses études et la peinture.
Très déprimée par cet échec, habitée par le sentiment d’être dans l’impasse et de ne pas savoir quoi faire d’elle-même, elle commence à venir dans le petit salon de thé hongrois et se met à lire avec avidité pendant deux ans. Influencée par des auteurs comme Duras et Annie Ernaux, elle va enfin se lancer dans l’écriture…
Avec la parution de Quand l’empereur était un dieu (When the Emperor Was Divine, 2002), Julie Otsuka fait une entrée remarquée dans le monde de la littérature.
En 2012, son second roman Certaines n’avaient jamais vu la mer (The Buddha in the Attic, 2011) a reçu le PEN / Faulkner Award for fiction et le prix Femina étranger.
Elle vit aujourd’hui à New-York.
Sources : babelio.com
Certaines n’avaient jamais vu la mer
Titre original : The buddah in the attic
Autrice : Julie Otsuka
Editions 10-18
Publication : septembre 2013
Prix Fémina Etranger : 2012
Catégories :Auteur Américain Coup de cœur Littérature américaine Rentrée littéraire 2013 Roman inspiré de faits historiques
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