
Stockholm, le 10 décembre 1946. Dans la chambre du Grand Hôtel de la capitale suédoise, Otto Hahn se prépare pour une soirée en son honneur. Il est venu de Berlin avec sa femme Edith. Dans quelques heures, il recevra le prix Nobel de chimie concernant la fission nucléaire ou concrètement la bombe atomique.
EXTRAIT
Hahn a saisi les trois feuilles posées sur son bureau. Son écriture est distinguée, tranchante, sans ratures. Il relit pour la énième fois le discours qu’il a écrit. Ce discours, il le connait par cœur. Mais ce matin, à la pâle lumière du jour, Hahn a besoin de se rassurer.
Ses lèvres se mettent à bouger. Les mots qu’il susurre à peine sont en anglais — langue que Hahn maîtrise parfaitement. Dans sa jeunesse, il a étudié à Londres et à Montréal, avec Ramsay et Rutherford. Il parle de l’Allemagne meurtrie, de la malheureuse Allemagne, d’abord oppressée par les nazis, et maintenant par les Alliés. Il certifie que les scientifiques allemands n’ont pas souscrits au régime Hitlérien. Et ajoute enfin qu’il ne faut pas juger trop durement la jeunesse de son pays. Comment pouvait-elle se faire une idée ? Sans radio étrangère, sans presse livre ? Nous avons tous été opprimés pendant douze ans, il est temps de tourner la page.
Pendant que sa femme se prépare dans une chambre toute proche, il entend frapper à sa porte alors qu’il n’attend personne. Les deux gardes postés devant ont des consignes très strictes de sécurité. Lorsqu’il ouvre, il est très surpris en voyant devant lui Lise Meitner, une physicienne juive avec qui il a travaillé plus de trente ans à Berlin. Les années de guerre ont été très dures et Lise recevait beaucoup de pression. La place des scientifiques était très inconfortable. Même les allemands qui n’étaient pas nazis obéissaient à Hitler car ils recevaient des menaces. Après l’Anschluss, Lise a été obligée de s’exiler en Suède et d’abandonner les recherches entreprises avec Otto alors qu’ils étaient sur le point d’aboutir.
Huit-clos historique, acide et explosif sur l’histoire d’une femme qui ne veut pas tomber dans l’oubli et souhaite être reconnue à juste titre. Lise a attendu et préparé ce rendez-vous pendant huit ans. Otto ne veut pas partager la première place alors que cette scientifique lui a ouvert les portes de la gloire. Ils étaient plus que complémentaires…
EXTRAIT
– Je désire comprendre, Otto, je ne cherche pas à te mettre mal à l’aise, mais pour quelles raisons tu ne parles jamais avec moi ? Vous êtes arrivés à Stockholm avec Edith il y a presque une semaine. Combien d’interviews as-tu accordées depuis ? Cinq ? Six ?
Hahn, la mâchoire et les poings serrés, observe Lise. Il a trouvé refuge près de la fenêtre, à une bonne distance de son invitée. Tout en l’écoutant, il cherche à deviner les réelles motivation de sa présence. Plusieurs options lui viennent en tête, sans que l’une ait la priorité sur l’autre.
– Neuf, reprend Lise. Neuf interviews. Pas une fois, entends-tu, pas une fois tu n’as évoqué notre collaboration, ni prononcé mon nom ! Alors oui, dans un ou deux journaux qui ont retracé ta vie, j’ai pu lire quelques mots sur moi. Sais-tu ce qu’ils disaient ? « Lise Meitner, l’assistante de Hahn » ! Moi ? Ton assistante ? Ta « Mitarbeiter », comme on dit chez nous !

Ma note : 3/4
Ce que j’en pense…
Otto Hahn et Lise Meitner, sont deux scientifiques à l’origine de la découverte de la fission nucléaire. Entre eux s’est tissée une intense relation professionnelle mais la montée du nazisme va tout faire basculer.
C’est un combat verbal qui s’ouvre. J’ai adoré ces dialogues où la perte du respect et de l’amitié vont se fracasser sur l’autel de l’Histoire. Cette femme veut que la vérité soit reconnue pour sa reconnaissance professionnelle et cet homme s’en défend sous prétexte qu’ils avaient travaillé pendant une période «hors normes». Le gagnant ne sera pas celui que l’on attend… .
Un roman orchestré par l’enchaînement des événements, une écriture simple, vraie et une intérêt historique majeur !
L’auteur…

Après une école de commerce et un master en finance, Cyril Gély entre à l’école de la rue Blanche, section comédien. En 2003, sort sa première pièce de théâtre, Signé Dumas, au théâtre Marigny, avec Francis Perrin et Thierry Frémont. La pièce relate les relations entre Alexandre Dumas et son nègre Auguste Maquet.
En 2011 : Diplomatie (Niels Arestrup et André Dussollier) est jouée au Théâtre de la Madeleine. Cette pièce relate la rencontre entre le général allemand Dietrich von Choltitz et le diplomate suédois Raoul Nordling, ainsi que le processus qui amène Choltitz à ne pas exécuter l’ordre de Hitler de détruire Paris en août 1944. Sa pièce Diplomatie est portée à l’écran en 2014 par Volker Schlöndorff, avec les mêmes acteurs. Cyril Gély a reçu pour ce film le Grand Prix du Scénario au Festival de Shanghaï, et le César 2015 de la meilleure adaptation.
Il écrit ensuite le scénario de Chocolat, avec Omar Sy et James Thierrée, réalisation Roschdy Zem. Le film raconte l’incroyable destin du clown Chocolat, premier artiste noir de la scène française. Le duo qu’il forme avec George Footit va rencontrer un succès immense dans le Paris de la Belle époque.
Son roman, Le Prix, publié en 2019 par Albin Michel a été en sélection finale du prix Relay des voyageurs et du Prix des libraires.
Sources : http://www.wikipedia.com
Le prix de Cyril Gely
Editions Albin Michel
Publication : janvier 2019
Nombre de pages : 192
EAN : 9782757881484
Coût : 17,00 €
Catégories :Auteur français Littérature française Rentrée littéraire 2019 Roman inspiré de faits historiques
Votre commentaire