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Naissance et mort de la fée du logis !

 

Une petite fille dans une malle située dans une maison bourgeoise. Cette enfant ne veut pas sortir de cette enveloppe protectrice. Elle se nourrit de miettes de pain, ne se lave pas, ne se coiffe pas, s’habille de vêtements sales et lit des livres. Elle entend la voix de ses parents et des domestiques à travers les parois de la malle. Elle se construit dans son monde, elle invente son propre conte, sa propre fable. Elle refuse l’extérieur, ne veut pas grandir, ne veut pas supporter les contraintes de la femme. Sa mère est désespérée et ne sait plus quoi faire de sa fille crasseuse qui devient une jeune femme.

EXTRAIT

La poussière des plafonds tombait sur elle et s’accumulait sur sa tête, la constellant de pellicules ; des touffes de mousse poussaient entre les fissures de la malle ; et les couvertures dans lesquelles elle s’enroulait de temps à autre, pour jouer le rôle du roi qui attend son exécution ou de l’assassin fatidique, étaient maculées de moisissures et de toiles d’araignées. De cet habitacle s’exhalait une odeur de forêt en ruines au milieu de laquelle l’enfant grandissait.

Un jour, à la grande surprise de ses parents, elle décide de sortir de son antre. Un bal est organisé en son honneur. Lavée, habillée et coiffée, elle éblouit tous les invités. Il faut la marier décide t-on ! L’heureux élu sera un oncle argenté beaucoup plus âgé qu’elle. Elle se retrouvera confrontée à la vie bourgeoise d’une maîtresse de maison.

EXTRAIT

A peine eut-elle franchi le seuil de son nouveau logis que son mari la conduisit dans une salle entièrement tapissée de placard dissimulés dans les boiseries : derrière leurs battants étaient rangés les inventaires de tout ce que contenait la propriété, provisions, livres, meubles, domestiques, animaux, plantes et produits d’entretien. Cette pièce était située au milieu d’un corridor, qui se ramifiait dans toutes les directions. « C’est le centre névralgique », fit l’époux.

Etre considérée comme une femme parfaite est un poids qu’elle n’assume pas. Diriger une armée de domestiques ne lui convient pas. Elle est déstabilisée par tous ces gens accrochés à ses ordres. Elle fuit pour échapper à ses obligations.

Rêve ou cauchemar, elle part en laissant son mari, pour travailler et habiter avec une seule bonne dans un petit appartement. Elle veut en faire son amie mais cela ne marche pas. Les liens hiérarchiques entre les fortunés et les gens du peuple sont toujours là.

Elle se débat dans son monde fantastique chargé d’esprits plus ou moins nocifs qui retiennent la femme comme un otage du poids social, des inégalités et des habitudes. Elle ne sait plus où est la réalité, elle se perd dans les méandres de l’acceptation, du renoncement, de la vie et de la mort et son esprit retournera dans sa malle, lieu de sa conception.

EXTRAIT

« Ah ! si je pouvais être constamment à l’article de la mort ! Alors, personne ne vient te demander ce qu’on va manger demain ou s’il faut acheter de nouvelles parures de lit. Me tenir tranquille dans un coin, en regardant les hommes s’affairer aux basses besognes – et moi je ne donne pas d’ordres, je fais comme si de rien n’était. S’en aller, oui, s’en aller sans savoir où, sans savoir comment ni quand. »

Ma note : 3/5

Ce que j’en pense…

Cycle infernal d’un discours féministe qui jongle avec la vie, la mort et la religion.  Il est déroutant par toutes les idées et réflexions qui émanent de l’esprit de cette enfant recluse dans sa malle, de la femme qui veut être indépendante sans y parvenir et de la femme âgée qu’elle deviendra. La massaia évolue dans un monde de domination qui lui veut du mal car tout n’est que contraintes et annihilation de la condition féminine à l’époque  fasciste italienne.

L’autrice, Paola Masino, avait une trentaine d’année lors de l’écriture de ce livre. Tout n’est que contestation, révolte, découragement pour une condition féminine à l’époque où Benito Mussolini, le dictateur, voulait que les femmes fassent plus d’enfants à l’Italie.

Critique violente d’un monde patriarcal, ce roman a eu toutes les peines du monde à exister. En 1936-1937, le fascisme ne l’a pas accepté en ses termes originaux et l’autrice s’est vue obligée de le remanier en enlevant tous les passages non admis par ce régime. Une fois les modifications effectuées, une bombe a détruit l’imprimerie. Paola Masino fut obligée de tout réécrire sur la base de notes qu’elle avait conservées.

Ce n’est qu’une fois la guerre terminée et le régime fasciste dissous que La Massaia sera publié en 1946.

ETOILES NOIRES

La Massaia de Paola Masino – Editions de la Martinière – Traductrice : Marilène Raiola – Publication : août 2018 – Nombre de pages : 364 – ISBN : 2732485926

Catégories :Auteur italien Fiction

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