
Adélaïde est mère des deux enfants, Karl, 14 ans et Mary, 11 ans. Karl a une personnalité fragile, très proche de sa mère et Mary est tout son contraire. Très jeune, elle est dotée d’un caractère bien trempé et n’hésite pas à tenir tête si besoin est. Leur mère, belle et élégante, est entretenue par son amant qui est le père de ses enfants. C’est un riche propriétaire terrien, déjà marié, qui l’a installée dans une demeure confortable.
Point de divorce à l’époque ! Ce fameux monsieur entretenait donc deux familles lorsqu’il décéda subitement. Sa femme officielle se fit un plaisir de mettre à la porte Adélaïde et ses enfants pour vendre la maison de l’adultère. Donc pas d’héritage possible pour cette femme qui décide de partir à Minneapolis avec sa famille pensant trouver rapidement du travail. Mais c’était sans compter sur deux imprévus qui allaient miner la situation : elle est enceinte de son petit troisième et comme nous sommes en 1932, la grande dépression a déjà tout ratissé sur son passage.
Ils trouvent refuge chez une logeuse où Adélaïde accouchera d’un garçon qu’elle a du mal a accepter. La chute est rude par rapport à la vie aisée du passé. Cette famille est tellement dans le besoin, qu’Adélaïde porte ses bijoux en gage et vole des cuillères en argent à sa logeuse pour les revendre.
Pour oublier un moment leur misère, ils vont tous à la kermesse du « Pique-nique des orphelins », événement organisé au profit des enfants sans toit de Saint Jérôme. Plusieurs attractions sont organisées dont les exercices de vol du pilote acrobatique, le Grand Omar. Adélaïde laisse ses enfants et monte dans l’avion pour faire un tour dont elle ne reviendra pas.
EXTRAIT
Mary ne repensa pas spécialement à la carte postale, mais elle était là dans un coin de sa tête tout au long des quelques semaines qui suivirent, et elle se retrouvait parfois adressant à Adélaïde de longues lettres imaginaires, pleine de haine et de chagrin. Puis un jour elle répondit au courrier de sa mère par une carte qu’elle choisit presque sans y réfléchir sur le présentoir du drugstore de coin. Vue aérienne d’Argus, Dakota du Nord, lisait-on au recto. Les tâches marron des immeubles de la ville, les rues vides et des houppes d’arbres verts étaient entourés d’un patchwork de champs d’un brun terne. Ce qu’elle écrivit au dos de la carte l’étonna autant que cela aurait étonné et ravi tante Fritzie, dont elle copia avec soin le nom et l’écriture.Tes trois enfants sont morts de faim, écrivit-elle.
Karl, Mary et le bébé serré contre elle, restent incrédules en attendant leur mère qu’ils ne reverront pas. Un inconnu leur enlèvera l’enfant des bras sous prétexte de lui donner à manger. L’homme ne réapparaîtra jamais.
Les deux aînés prendront des chemins bien différents. Karl passera sa vie en électron libre et Mary trouvera refuge chez sa tante Fritzie, soeur d’Adélaïde. Elle entretiendra une jalousie tantôt féroce, tantôt cordiale avec sa cousine Sita et s’imposera dans cette famille en s’accaparant l’amour de son oncle, de sa tante et de l’amitié de Célestine, la meilleure amie de Sita.
Ma note : 4/5
Ce que j’en pense…
Second ouvrage de Louise Erdrich, Le pique-nique des orphelins avait déjà été traduit en 1988 sous le titre, La branche cassée.
L’intrigue commence au moment de l’abandon de ces trois enfants par leur mère qui n’a pas supporté les pressions de la vie. Aujourd’hui, nous pourrions identifier ce phénomène comme un burn-out.
Ce roman à plusieurs voix nous dévoile une kyrielle de vies tourmentées de 1932 à 1972. A chaque nouveau chapitre l’auteure nous livre les réflexions d’un personnage par rapport à sa vie et à celle de son entourage. Les années s’écouleront au gré des existences de chacun.
Cette chronique familiale nous expose des personnages qui ont tous leur importance mais celui de Karl est un de ceux qui ressort le plus du fait de son ambiguïté, parfois sa cruauté et sa fragilité. Il sera le lien indispensable et de temps à autre désagréable entre diverses personnes.
Les protagonistes sont presque tous sur le fil du rasoir des sentiments, en proie aux paradoxes de l’amour. Parfois, l’espace entre la raison et la folie est très ténu. Les acteurs se débattent avec les manques de leur enfance et traînent leurs valises jusqu’à la génération suivante. Chacun fait ce qu’il peut avec ce qu’il a. Le destins de ces familles explosées n’a pas empêché l’auteure, Louise Erdrich, de conserver un sens de l’humour assez acide à la fin du livre surtout lorsque les cousines et les amies vieillissent.
Mary, Karl, Sita, Célestine, Wallace, Jude, Dot, le père Miller, Russell, sont des êtres humains parfois bien seuls, parfois plein de maladresse, de jalousie, de rancœurs, de choses inconnues qu’ils ne maîtrisent pas toujours et qui les empêcheront de sortir de leur chemin de vie chaotique.
Très bon roman sur la complexité des relations humaines de Louise Erdrich même si je regrette que certains personnages soient passés à la trappe au fil des pages. J’aurais bien aimé savoir ce qu’ils étaient devenus !
Le pique-nique des orphelins
The beet queen (titre original)
Autrice : Louise Erdrich
Traductrice : Isabelle Reinharez (anglais Etats-Unis)
Editions : Albin Michel
Publication : Janvier 2016
Nombre de pages : 468
ISBN : 978-2-226-31944-9
Catégories :Roman
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