
Mais qui est Jeanne ?
Jeanne travaille à la poste et Rémy, son mari, est magasinier chez Auchan. Leurs deux jumelles, Chloé et Elsa vont à l’université.
Jeanne et Rémy ont une vie faite d’habitudes, de petits bonheurs simples.
Dans sa maison située près d’une gare, Jeanne voit passer les trains et se surprend à imaginer la vie des voyageurs. Il lui arrive de suivre des personnes inconnues dans la rue uniquement pour savoir où elles habitent ou ce qu’elles font. Elle aime l’imprévisible mais seulement dans la vie des autres, pas dans la sienne.
Sa mère lui a toujours dit qu’elle était faite pour une vie ordinaire. Jeanne a besoin de s’évader, mais pas trop … C’est une évasion contrôlée …
Depuis la fac, elle voue une admiration sans bornes à l’artiste-performeuse serbe Marina Abramović qui propose des performances avec son corps comme objet expérimental au sein de différents musées à travers le monde.
Jeanne aime son audace, son goût de l’extrême, sa force mentale et reste toujours impressionnée par ses réalisations. Cette artiste est tout ce qu’elle aurait aimé être, un dépassement de soi.
Elle lui écrit une première carte en lui parlant de sa vie et surtout de son admiration envers elle. Ce sont seulement quelques mots … d’autres cartes suivront … Elle s’informe sur internet des prochains lieux où elle se produira et se fait tatouer une étoile sur le ventre, la même que celle de Marina. C’est de la fascination.
EXTRAIT
Elle a tapé Marina Abramović. Le moteur de recherche lui a sorti 879 000 réponses en trois secondes. Elle a lu des interviews. Avec Naples, Abramović avait mis sa vie dans les mains de gens qu’elle ne connaissait pas. Elle avait voulu savoir jusqu’où on pouvait aller, tout ce qu’on pouvait faire à quelqu’un qu’on ne connaissait pas. Et elle avait voulu montrer que le corps est capable de supporter, d’endurer. Elle avait disposé des objets sur une table, du vin, du miel, un revolver, une balle … Soixante-douze en tout.Elle l’avait écrit sur une feuille : Je suis un objet, utilisez les objets même la balle si vous voulez me tuer, et j’en prends toute responsabilité.
Un jour, Jeanne suit un homme dans la rue et c’est Martin Fayol. Ils se sont connus au lycée. Rémy le connait aussi. Ils étaient de vagues copains. Elle ne dit pas à son mari qu’elle a été très amoureuse de Martin à cette époque. Il est là pour quelques semaines. Il restaure des fresques murales.
Un peu plus tard, elle pense qu’elle pourrait peut-être téléphoner à Martin … Mais que lui dirait t-elle ? Elle se souvient de la jeune fille qu’elle était à l’époque … En allant chez ses parents, elle retrouve le M de Martin gravé sur le pied de la table de la cuisine.
Par un jour pluvieux, elle le croise dans la rue. Ils prennent un café ensemble, bavardent et repartent chacun de leur côté. Plus tard, elle le rappelle mais raccroche tout de suite. Jeanne se demande ce qu’elle a fait de sa vie pendant toutes ces années. Martin essaie de l’appeler, mais elle ne répond pas.
Rémy a rencontré Martin au magasin de bricolage. Celui-ci leur propose de venir voir le travail de restauration qu’il a entrepris. Rémy n’est pas tenté, Jeanne y va seule. Martin lui offre un livre sur le thé d’Okakuna Katuzo.
Rémy remarque que le comportement de sa femme change. Elle est plus lointaine. Il lui dit qu’il est terrifié à l’idée qu’elle parte. Il pense que c’est à cause de l’obsession envers cette artiste serbe …
Martin appelle Jeanne. Il lui annonce qu’il part pour le Japon dans 15 jours. Il a fait une promesse à sa sœur Barbara qui est décédée. Celle-ci voulait aller sur l’île de Teshima en mer intérieure de Seto. Là-bas on peut enregistrer ses battements de cœur ou écouter ceux d’une personne disparue. Il lui propose d’enregistrer leurs cœurs pour les emmener au Japon.
Jeanne veut aller voir Marina Abramović à New-York lors de sa prochaine performance, Martin l’attendra à l’aéroport … Elle est submergée par des sentiments qu’elle ne connait pas et qu’elle ne gère pas …
C’est le jeu du chat et de la souris entre Jeanne, Rémy, Martin et Marina Abramović … un quator infernal pour cette femme à la vie ordinaire …
Ma note : 3/5
Ce que j’en pense…
Jolie couverture pour ce roman de Claudie Gallay nous décrit le quotidien de Jeanne, qui subit sa vie, sa peur d’exister pour elle-même et aussi le décalage entre ce qu’elle est et de ce que son entourage perçoit d’elle.
Elle ressent une forme d’ennui liée à son envie de changement et sa peur de perdre ses acquis … Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras !
Pour faire passer son incapacité à être elle-même, elle se sert de l’artiste-performeuse Marina Abramović comme d’un double imaginaire afin de transporter ses émotions et ses envies. La régularité avec laquelle elle lui écrit des cartes montre bien qu’elle a gardé un côté « petite fille » et qu’elle a besoin d’admirer pour exister.
A travers ces 420 pages, l’auteure nous déroule la poésie du quotidien, les détails de la vie d’une femme emprisonnée dans la banalité de sa vie. C’est un tour de force car la poésie des jours n’est pas forcément au rendez-vous à toutes les pages. Parfois l’ennui prend le dessus du fait de l’indécision du personnage de Jeanne.
Le Japon est à l’honneur dans le roman de Claudie Gallay, car elle insère l’ouvrage plein de raffinement d’Okakuna Katuzo, Le livre du thé et nous révèle l’existence de l’île de Teshima où l’on peux enregistrer les battements de son cœur. Cela aide à donner un côté romance/évasion à cette histoire. On retrouve d’ailleurs l’évocation de ce lieu dans le livre de Christophe Ono-dit-Biot, Croire au merveilleux.
La beauté des jours
Auteure : Claudie Gallay
Editions : Actes Sud
Publication : août 2017
Nombre de pages : 420
ISBN-10 : 2330081766
ISBN-13 : 978-2330081768
Catégories :Roman
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