
Son enfance s’est déroulée dans un univers tout à fait particulier. Elle a vécu dans une demeure familiale située juste au-dessus d’une autoroute appelée « la route de la mort » à cause d’un grand nombre d’accidents.
Le père de Patience, d’origine tunisienne et PDG d’une entreprise de transport, commerçait de façon plus ou moins réglementaire avec le Pakistan, l’Ouzbékistan, l’Azerbaïdjan, l’Iran etc … Pour être recrutés, les chauffeurs devaient sortir de prison car il pensait que seul un type qui était resté quinze ans derrière les barreaux pouvait rester enfermé dans la cabine de son camion sur des milliers de kilomètres.
Cet homme a dû partir précipitamment de la Tunisie en abandonnant sa ferme qu’il adorait, pour émigrer en France. Il a eu le cœur brisé. Depuis ces événements, il n’a plus ni loi ni maître. Il agit comme un parrain de la mafia et a enseigné le maniement de son 357 magnum à sa fille. Ça peut toujours servir !
Sa mère, d’origine juive, a survécu aux camps de concentration de la dernière guerre mondiale et, au fil des années, elle s’est enfermée dans une superficialité détonante.
L’argent coulait à flot et cela leur donnait le loisir de voyager et d’inviter leurs amis qui étaient des gens importants, des vedettes de cinéma etc …
Jeune, Patience, petite fille douce et timide a croisé Audrey Hepburn lors d’une fête. Celle-ci lui a demandé ce qu’elle voulait faire plus tard et la réponse a été : collectionneuse de feux d’artifice ! Attendrie, Audrey Hepburn s’était fait photographier avec elle et lui avait donné la photo en souvenir.
Patience grandit, se marie et devient Patience Portefeux. Lors d’un voyage à Mascate (capitale du Sultanat d’Oman), son mari, homme d’affaires, décède subitement d’une rupture d’anévrisme. C’était son grand amour, sa vie bascule. Le grand déraillement pour Patience et leurs deux filles …
N’ayant plus le sou, elle revient à Paris où tout explose dans sa tête, grosse dépression. Elle est internée pendant huit mois et à sa sortie, elle vend tous ses bijoux pour survivre.
Après cette dégringolade matérielle, elle élève ses filles dans la crainte du déclassement social et se comporte comme une mère aigrie.
Un jour, dans une vente aux enchères, elle tombe par hasard sur la photo de la « collectionneuse de feux d’artifice » prise avec Audrey Hepburn. Nostalgique, elle la rachète.
Patience parle et comprend l’arabe depuis son enfance. Elle devient interprète judiciaire payée au noir par le Ministère de l’Intérieur. Elle arrête l’interprétariat au Tribunal à cause du manque de respect qu’ont les juges envers certains accusés arabes. Par la suite, elle traduit les écoutes enregistrées par la brigade des stups au 36 quai des Orfèvres pour l’OCRTIS (Office Central de la Répression du Trafic Illicite des stups de Nanterre).
Pour eux, elle est Patience Portefeux, la française-qui-parle-arabe, une personne au-dessus de tous soupçons. Elle doit la régularité de son travail à Philippe, un flic rencontré dans un supermarché. Il est devenu son fiancé et fait en sorte qu’elle soit payée en temps et en heure pour son travail. Elle passe sa vie à traduire les circuits de drogue et la vie des dealers.
EXTRAIT
Leur hiver, ils le passent comme leurs clients en Thaïlande, notamment à Phuket mais dans un autre quartier : à Patong, rebaptisé les 4000 du nom de la cité de la Courneuve en Seine-Saint-Denis. Les Thaïlandais les appellent les french arabics.Là-bas, c’est vacances, ils ne dealent pas parce que le simple usage de stups y est puni de vingt ans. L’été, ils se tapent le bled avec la famille. Là non plus, ils ne dealent pas, pour les mêmes raisons.
Elle a aussi la charge de sa mère, hémiplégique, touchée par la maladie d’Alzheimer qui est prise en charge par un EHPAD, (Etablissement d’Hébergement pour Personnes Dépendantes). Le lieu où la majorité des personnes grabataires vont finir leurs jours … La vie de Patience est triste entre son boulot où elle ne côtoie pas le gratin de la société, sa mère à gérer, ses filles qui ont quitté le nid …
Un tournant va se dessiner dans son quotidien. Depuis deux mois, elle retranscrit les écoutes d’une famille de dealers, les Benabdelaziz, qu’elle prend en sympathie, surtout le fils, Afid, âgé de vingt ans.
Patience apprend que, Khadija, la mère d’Afid, est aide-soignante au sein de l’EHPAD où réside sa mère. Elle l’a déjà rencontrée car c’est elle qui s’en occupe directement. Khadija est plein d’empathie avec les résidents.
Lorsque Patience s’énerve et ne supporte plus de voir sa mère dans cet état, Khadija lui explique gentiment que ce sont les dégâts de la maladie d’Alzheimer et que la peur de mourir n’arrange pas les choses.
Elle sympathise un peu plus avec Khadija et de ce fait, elle ne traduit pas exactement les affaires d’Afid et de ses comparses dans son travail. Elle a bien noté qu’ils préparaient un gros coup et que les stups voulaient les attraper en flagrant délit.
Subitement, Patience prend conscience qu’elle falsifie ses traductions et qu’elle risque, à plus ou moins longue échéance, d’être démasquée. Mais par solidarité, elle va prévenir Khadija que son fils va se faire arrêter lors d’une livraison avec son chauffeur marocain.
Khadija prévient immédiatement Afid qui était déjà en route. Avec son chauffeur, ils sortent de l’autoroute et s’arrêtent dans un terrain vague pour cacher la drogue. Ils se feront arrêter un peu plus loin avec un camion vide. Les flics ne comprennent pas, ils étaient pourtant sûrs de leur coup.
Le lendemain matin, Patience est appelée pour servir d’interprète lors de la garde à vue du chauffeur marocain.
Après sa journée, en rentrant chez elle, elle prend conscience qu’elle vieillit. Elle a 50 ans, elle est fatiguée et n’a pas d’argent de côté car toutes ses économies sont passées dans le règlement des factures de l’EHPAD (3500 euros/mois), les études de ses deux filles et la vie de tous les jours …
Elle explique son geste envers la famille Benabdelaziz comme un atavisme par rapport à la vie de ses parents. Il n’y a aucune logique à son intervention. Dans sa famille, on avait toujours travaillé avec les arabes, alors pourquoi ne pas continuer ? Elle prend conscience qu’elle a toutes les cartes en mains pour manipuler ces dealers.
A partir de ce moment, Patience organise sa double vie. Elle se fera appeler la Daronne et organisera un plan qui lui permettra de récupérer la cargaison de cannabis puis de l’écouler. Par la suite, son objectif sera de continuer son travail de traductrice et de blanchir son argent.
Patience devra faire face à la « malhonnêteté » de ses partenaires dealers et à l’obstination que la police mettra en œuvre pour attraper la Daronne.
Patience … ça sent le roussi !
Ma note : 4/5
Ce que j’en pense…
La Daronne est une féministe avec un côté cynique et drôle. J’ai beaucoup aimé le concept de la traductrice-dealeuse ! Quelle maîtrise ! Mais derrière l’humour que l’auteure a employé pour écrire son livre, il y a toute une réalité de la vie.
Le personnage de Patience est une femme qui n’a plus d’états d’âme. Elle est devenue froide, calculatrice et s’enferme dans une logique de survie. Cela fait vingt-cinq ans qu’elle traduit les affaires de dealers, vingt-cinq ans que, tous les mois, elle se demande comment s’en sortir financièrement. Les vicissitudes de la vies l’ont portée sur ce chemin chaotique. Cette femme se dit qu’elle n’avait pas signé pour un combat perpétuel.
Dans son livre, Hannelore Cayre aborde la lutte des familles monoparentales pour élever leurs enfants, la misère des banlieues, le sort des personnes âgées dépendantes placées dans les EHPAD, les conditions dans lesquelles travaillent les soignants ainsi que le fonctionnement de la justice française.
La collectionneuse de feux d’artifice a su nous réserver une bonne lecture. Ce roman est une incursion dans plusieurs mondes à la fois. Une histoire un peu folle, décalée et totalement immorale mais vraiment agréable à lire !
La Daronne
Auteure : Hannelore Cayre
Editions Métailié
Publication : mars 2017
Nombre de pages : 172
Catégories :Polar/Thriller
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