
Le chef de ce groupe armé d’extrême gauche se nomme Donald Defreeze. Il a 31 ans et a pris le pseudonyme de Général «Field Marshall Cinque». Ce mouvement armé se considérait comme l’avant-garde d’une armée révolutionnaire.
Cambrioleur afro-américain multirécidiviste, Donald Defreeze a créé ce mouvement en 1973. Leur symbole est le cobra à sept têtes issu de la spiritualité orientale. Le 6 novembre 1973, ils exécuteront Marcus Foster, professeur à Philadelphie et premier directeur noir d’une école en Californie. Les meurtriers seront incarcérés en janvier 1974.
Les kidnappeurs demandent la libération de leurs comparses. La police y opposant son refus, ils enlèvent Patricia Hearst et demandent, en guise de rançon, à ce qu’une distribution de nourriture soit effectuée pour les pauvres de Los Angeles. Cela concerne 1.900.000 personnes dans le besoin, à raison de 70 dollars par tête. Le coût total s’élève à 4 millions de dollars. La répartition ne se passe pas comme prévu car d’autres groupuscules volent une partie de la marchandise pour la revendre. Le groupe révolutionnaire demande alors que le double soit donné aux plus démunis. La famille Hearst rétorque qu’elle n’en a pas les moyens.
L’Amérique est déroutée car nourrir les pauvres n’est pas commun. Le FBI les nomme les «Mad dogs» (chiens enragés) car ils menacent de tuer des policiers qu’ils considèrent comme des adversaires du peuple.
Le pays entier parle du lavage de cerveau qu’a subi l’héritière car elle épouse la cause de ses ravisseurs et le revendique haut et fort. Elle trouve que ce sont des gens convenables prêts à mourir pour leurs idées. On parlera du syndrome de Stockholm.
Elle se fera appeler Tania, nom d’une ancienne compagne du Che Guevara et enverra des messages pour critiquer le caractère bourgeois de ses parents. Elle déclame que son père est un menteur, critique le sexisme de son compagnon de l’époque et participera à plusieurs braquages de banques sans donner l’impression de vouloir y échapper.
Après un vol à l’étalage, Patricia Hearst et trois de ses compagnons se cacheront dans un motel où ils seront cernés par 500 policiers. La police donnera l’assaut sans se préoccuper des gens qui vivaient dans ce quartier défavorisé. L’assaut sera retransmis en direct à la télévision, six membres seront abattus. Patricia en ressortira vivante. Après une cavale de plus d’un an, son procès s’ouvrira le 4 février 1976 et durera 39 jours.
EXTRAIT
A quelle heure ont-ils éteint leur poste de télévision, ce 17 mai 1974, ceux qui ont regardé Cinque, Nancy, Angela, Camilla, Willie et Zoya mourir comme ils avaient vécu, sous les caméras. Sont-ils allés se coucher vaguement nauséeux de trop de pizzas tièdes et de sodas éventés tandis que la puanteur s’élève des murs effondrés et que les corps sont sortis un à un, enveloppés de bâches noires.
Pour ce procès, l’avocat de la famille Hearst demandera à une sociologue universitaire, Gene Neveva, de rédiger un rapport qui prouvera que Patricia a agi contre sa volonté. Cette professeure est une féministe de l’extrême-gauche. Au moment où elle reçoit cette demande, elle est en poste pour un an en France avec son fidèle chien Lenny. Lors du procès qui se tiendra à San Francisco, l’avocat des Hearst doit prouver que Patricia a agi contre sa volonté. Il compte bien sur ce rapport pour y parvenir.
Gene Neveva est vampirisée par cette affaire. Elle recrute Violaine, jeune étudiante française parfaitement bilingue, pour l’aider à dépouiller toutes les pièces écrites ou sonores qu’elle a récoltées sur l’affaire Hearst.
Gene est tyrannique avec Violaine, comme avec tous ceux qui ont travaillé avec elle ou suivi ses cours. A deux, elles essaieront de porter un regard neuf sur ce qui a pu pousser une jeune fille de bonne famille à quitter ses draps de soie pour une arme.
Ma note : 3/5
Ce que j’en pense…
Avec le cas Hearst, l’image du rêve américain est écornée. Patty, victime ou manipulatrice ? L’argent ne fait pas le bonheur dit-on …
Dans ce livre nous avons quatre protagonistes : Gene Nevada (professeure), Lenny (son chien), Violaine (l’étudiante) et la voix. Pourquoi le chien ? Parce qu’étrangement il revient souvent sur la scène. Il est là sans y être vraiment mais Gene a l’air de ne pas pouvoir s’en passer. Il a peut-être pris la place d’un enfant qu’elle n’a pas eu.
Le cas Hearst n’est que le fil conducteur du livre. L’histoire se porte plus sur la liberté des femmes dans les années 70. Les femmes doivent-elles accepter leur condition ? Il faut noter que dans le livre les acteurs sont des actrices … à part le chien Lenny.
Gene Neveva entraînera Violaine, jeune étudiante timide, un peu anorexique ainsi que « la voix » qui tient le rôle de la troisième personne et qui apparaît dans la seconde partie du livre dans cette interrogation sur la société. A l’époque où Violaine collabore avec Gene Neveva, la voix n’était qu’une petite fille.
En travaillant avec Gene et en découvrant le dossier Hearst, Violaine découvre un autre monde.
Notre sociologue américaine bouscule Violaine dans ses opinions mais toutes les deux trouveront une forme de complicité unie et désunie dans leurs recherches. Gene a quelques difficultés à reconnaître, que parfois, Violaine a une vision exacte de certains points de cette affaire. Parfois elles ne se supportent plus mais rien n’est verbalisé. Gene a absolument besoin d’elle pour mener à bien ce dossier. Elle repartira aux Etats-Unis pour le procès en promettant de revenir chercher Lenny, son chien. Violaine l’attendra …
Cette histoire nous emporte sur trois générations de femmes fascinées par le destin de Patricia Hearst. Les interrogations sur la société se posent. Le personnage de Gene Neveva nous expose une personnalité imbibée du féminisme des 70 et non dépourvue de confiance en elle-même. Elle me fait penser à Jane Fonda lors de sa lutte dans ces années là, contre la guerre du Vietnam et du féminisme.
Gene ne ressent pas une grande considération pour Violaine et la considère vraiment comme une « petite main ». Je la trouve même un peu aigrie. C’est assez facile car notre étudiante française a un caractère assez faible de part son anorexie et la rigidité de son éducation. Elle est soumise et peine à faire valoir ses idées, pourtant pertinentes. On se demande vraiment comment elle a pu supporter Gene Neveva durant toute cette étude. Où est le féminisme ?
EXTRAIT
L’avez-vous vraiment rencontrée, votre assistante, ou l’avez vous parcourue et estimée en un clin d’oeil tandis que vous dissertiez sur la liberté des femmes ? Bien sûr, en 1975, vous étiez l’adulte, sa supérieure à qui elle ne confiait pas grand-chose. J’ai pour moi l’avantage de ses notes qu’elle m’a confiée et le recul des années passées.
Ci-dessus un passage du livre sur les pensées de « la voix » par rapport à Gene Neveva.
« La voix » s’en sort beaucoup mieux car elle fait partie de cette troisième génération. On sent qu’elle prend plus de distance avec les évènements mais cela ne l’empêchera pas d’être très intéressée sur les mutations idéologiques d’une jeune fille des années 70.
Pour la petite histoire, Patricia Hearst fera de la prison mais sa peine sera réduite par le président Jimmy Carter. Son rôle au sein de ce groupe armé laissera toujours certains doutes … En sortant de prison, elle s’est mariée avec un des gardiens et a eu deux enfants.
A l’histoire de Patricia Hearst, l’écrivaine, Lola Lafon, y adjoint très brièvement Mercy Short, accusée de sorcellerie en 1690 à Salem et Mary Jamison kidnappée en 1753 par une tribu amérindienne. Ces femmes ont aussi refusé de rentrer dans leurs familles pour échapper à ce qu’elles considéraient très certainement comme une prison.
Dans le contexte de l’espace temps, je trouve ce choix un peu éloigné des années 70. L’intérêt était de démontrer la manipulation de la femme par l’éducation et le moyen d’expression de ce rejet et surtout de stopper ce statut de victime. Des exemples plus proches auraient été plus réalistes.
Mercy, Mary, Patty
Auteur : Lola Lafon
Editions Actes Sud
Parution : Août 2017
234 pages
ISBN 978-2-330-08178-2
Catégories :Auteur français Littérature française Roman
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