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Mayotte m’a tué

 

Grand Prix du roman Métis 2017 et Prix du roman France Télévision 2017, Tropique de la violence, est un roman choc que nous livre son auteure Nathacha Appanah.

Marie est une jeune infirmière qui pose ses valises à Mayotte par amour pour Chamsidine, (Cham) infirmier comme elle et originaire de cette île. Cette jeune femme désire ardemment un enfant mais trois ans plus tard, toujours rien. Cham la quitte pour une réfugiée Comorienne. Elle est dévastée. Deux ans passent …

Marie a 33 ans. Un soir, alors qu’elle travaille à l’hôpital, une jeune fille réfugiée veut qu’elle prenne son bébé. Il a les yeux vairons. C’est l’œil du Djinn, l’œil qui porte malheur d’après les croyances. Cette jeune mère veut absolument se débarrasser de son petit et le donner à Marie.

EXTRAITS

Avec dextérité, la jeune fille sort le bébé de son emmaillotage et je réalise que celui-ci est bandé comme une momie. Peut-être est-il brûlé ? Elle défait les bandelettes qui recouvrent même une partie de son visage. C’est un bébé de quelques jours à peine, il respire, il n’est pas brûlé, il a l’air parfait. Il est parfait. Je commence à parler mais la mère pose le doigt sur ses lèvres en faisant Chut. Elle ne souhaite pas qu’on le réveille. Elle me montre l’œil du bébé. Je ne comprends pas, je ne vois rien, le bébé dort.

Le petit ouvre les yeux. La mère recule contre le lit et, moi, ce que je vois est incroyable, je n’en ai jamais vu de ma vie, juste appris le terme exact au cours de mes études. Le bébé a un œil noir et un œil vert. Il est atteint d’hétérochromie, une anomalie génétique absolument bénigne. Le vert de son œil est comme le vert des feuilles de l’arbre à pain, non du manguier, oh, je ne sais plus, c’est ce vert incroyable qu’ont parfois les arbres de ce pays, pendant l’hiver austral.

Marie voulait tellement un enfant. La jeune maman se sauve et lui laisse son bébé dans la salle de soins. Elle l’appellera Moïse. Ils vivront sur l’île de Petite-Terre, deuxième île de Mayotte. L’endroit préféré de son garçon sera le lac de Dziani.

Avec sa mère adoptive, il adore lire L’enfant et la rivière, c’est le livre qu’il préfère. A 13 ans, Moïse commence à se révolter. Même si Marie lui a expliqué d’où il venait, il reste perturbé, ne veut plus aller à l’école, fait des cauchemars et rentre tard. Il ne comprend pas pourquoi sa couleur de peau est noire alors qu’il vit comme un blanc.

Un matin tandis qu’il dormait encore, Marie fait un AVC, elle a 47 ans. Lorsque Moïse se lève, il la voit comme ça, allongée par terre, immobile. La terreur l’envahit et il s’enfuit avec Bosco, son chien. Il attrape le sac de Marie, son livre préféré et il court sans jamais se retourner. Il crève de peur, c’est le néant, l’incompréhension …

La vie lui fera rencontrer Bruce, le roi de Gaza. Ce Gaza là est une partie de la ville de Kawéni, le plus gros bidonville de Mayotte. Cette zone de non-droit est dirigée par des adolescents qui sèment la terreur. Bruce est intrigué par Moïse qui a été élevé comme un blanc, il le jalouse et le craint un peu à cause de son œil vert. Il le croit fou, il croit au Djinn lui aussi …

C’est le début de l’enfer. Moïse, surnommé Mo, sera un enfant des rues. Il devra s’accoutumer à l’injustice, la violence, la misère, l’oubli de soi et la soumission au roi de Gaza. Un jour il se révoltera aussi contre ces abîmes insupportables. Son enfance est partie depuis très longtemps. Mo croisera Stéphane, jeune humanitaire plein de bonnes intentions qui essaiera de l’aider à sa manière, à la façon d’un blanc qui croit offrir la lune et qui repart bien tranquillement chez lui une fois son temps terminé. Olivier, policier démuni face au manque de moyens fera tout pour protéger Mo. Mais il sait déjà que Mayotte est une poudrière prête à exploser à tous moments. Moïse serre le sac de Marie contre lui et tourne les pages du livre qu’il lisait avec elle, L’enfant et la rivière …

EXTRAIT

Je regarde Moïse allongé sur le sol de sa cellule. Il est fatigué de ce voyage en enfer qui a commencé le jour où je suis tombée sur le sol de notre cuisine. L’autre garçon, celui qui ne tenait pas en place, celui qui ne pouvait pas croire qu’il était mort, veut partir mais il ne peut pas. Il n’a pas encore compris que ce n’est pas lui qui décide.

 

Ma note : 4/5

Ce que j’en pense…

 

N’imaginez pas ressortir indemnes de ce roman !

A Mayotte, dernier-né des départements français, un habitant sur deux a moins de 17 ans. Parmi eux, de nombreux enfants survivent, sans droits ni ressources, dans la misère la plus totale. Zoom sur un scandale oublié, noyé dans l’Océan Indien (Les Inrocks, 14 avril 2015, Mayotte, l’île aux enfants perdus).

De l’île de Mayotte je ne connaissais que le vocabulaire employé par les sites touristiques. Je suis allée sur certains forums et j’ai pu constater qu’effectivement tout n’était pas toujours rose, loin s’en faut. Le livre de Nathacha Appanah m’a laissée sans voix ou plutôt m’a fait hurler. La cause des enfants est toujours un point délicat à aborder. Des centaines de clandestins arrivent des Comores, de Madagascar ou de l’Afrique sans papiers.

Retrouvés par la police, ils risquent l’expulsion faute de papiers en règle. Dans les cas les plus dramatiques, leurs enfants restent seuls sur cette île et sont élevés soit par la famille restante, soit par des voisins. Et pour enfoncer un peu plus la situation, la corruption des hommes politiques cherche à s’attirer la faveur des défavorisés à qui ils font des promesses jamais tenues.

L’auteure a vécu deux ans à Mayotte pour s’imprégner de ce qu’il se passait réellement et son récit propose une vision de cet eldorado illusoire qui ne peut absolument pas vous laisser indifférents.

C’est un récit qui fait parler les morts et les vivants. Chacun essaie de justifier sa situation. Ce sont des bourreaux-victimestous prisonniers de leur île et de leur histoire. Mais que peut-on expliquer lorsque l’on tombe dans cet enfer dont le rythme s’emballe chaque jour un peu plus ! Vous vous laisserez vite envahir par ce récit qui commence avec une petite histoire et vous entraîne dans un gouffre !

 

 

Tropique de la violence

Autrice : Nathacha Appanah

Editions Gallimard

Parution : août 2016

Prix Fémina des lycéens 2017

Prix France télévisions en 2017

175 pages

Catégories :Auteur Mauricien Littérature mauricienne Roman

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