Summer, nouveau roman de Monica Sabolo nous entraîne au sein d’une famille bourgeoise, les Wassner, résidant dans un quartier résidentiel de Genève, en Suisse, près du lac Léman.
Un jour d’été, leur fille Summer, âgée de 19 ans, disparaît. Les faits se sont déroulés lors d’un pique-nique au bord du lac Léman. Elle est partie en courant dans les herbes hautes, les reflets du soleil dans ses cheveux blonds et … on ne l’a plus jamais retrouvée. Son frère cadet, Benjamin, ne s’est jamais remis de cette disparition. Vingt-quatre ans après, cette histoire le hante toujours. Est-elle vivante ? Morte ? Aucune nouvelle.
EXTRAIT
Que pouvais-je bien leur dire ? Ils étaient là, avec leurs regards implorants, des yeux de noyés – ma mère – ou méfiants, suspicieux, fouillant mon âme – mon père, la police -, m’interrogeant à voix basse, ou sur un ton faussement complice, comme si j’allais, soudain, déballer je ne sais quelle histoire de drogue ou de prostitution.
Summer vient régulièrement hanter les nuits de Benjamin. Depuis quelques mois, il raconte ses rêves et ses souvenirs enfouis au docteur Traub, psychiatre. Il suit une thérapie. Un mystère doit-il être révélé ? Le lourd secret d’une famille engluée dans les non-dits.
EXTRAIT
Dans mes rêves, la surface luit comme un miroir coupant, ou une dalle de verre. L’eau semble glacée et chaude à la fois.
J’ai envie de plonger, d’aller voir ; mais les poissons sont noirs, les plantes se déploient comme des tentacules. Des filaments souples, luisants, qui se balancent dans le courant.
Au fur et à mesure et avec l’aide de son psychiatre, Benjamin, va reconstituer son histoire et celle de sa famille. Le père, avocat, défend les oligarques et les évadés fiscaux. La mère ne décide de rien. Elle a renoncé à sa carrière de comédienne pour épouser son avocat.
EXTRAIT
Ma mère qui ne parlait pas l’anglais et n’a jamais fait preuve du moindre romantisme, avait choisi pour sa fille un prénom de pom-pom girl, de pop star californienne. Un prénom qui évoquait un champ de fleurs, où volettent des papillons écarlates. Ou une corvette rutilante, fonçant sur une corniche le long de l’océan.
Depuis sa naissance, Benjamin est considéré comme un enfant qui ne correspond pas aux critères de sa « caste ». Il n’est pas très beau, ses cheveux sont bruns au lieu d’être blonds comme Summer, il n’a pas le physique hâlé d’un sportif. Concernant son caractère, il est dénué d’ambitions, au grand dam de son père. Il n’est que le dysfonctionnement Wassner, son père. Peut-il avoir un avenir dans cette famille axée sur le paraître ? Il n’en a pas. Devenu un adulte toxicomane accroché au hashich et aux médicaments, hanté par ses cauchemars, le frère cadet de Summer nous fera découvrir la vérité et les désillusions d’une jeunesse dorée portant sur les non-dits et les fautes des générations précédentes.
EXTRAIT
Les invités étaient toujours les mêmes, Bernard Barbey, Patrick Favre, Cyril de Watteville, Dario Agostini, les copains de mon père étrangement semblables, on avait l’impression qu’ils avaient été élevés au bon air de la montagne. Sur le réfrigérateur, il y avait une photo d’eux, à l’université, accroupis autour d’un ballon de foot, leurs visages rayonnants, et l’on imaginait des filles inscrivant leur numéro de téléphone au feutre, dans leur paume.
Ma note : 3/5
Ce que j’en pense…
Les deux cabossés du roman : le frère et la soeur. Le plus mal-en-point n’est peut-être pas celui que l’on croit.
Nous sommes à l’époque des années 80, période d’éducation permissive. En parcourant les débuts de ce livre, je découvre que l’intrigue se déroule au sein d’une famille riche où les parents et les enfants sont beaux, blonds et saupoudrés d’un peu de drogue et d’alcool … Oh non, encore ! Ah ! il y a un petit brun dans le circuit ! C’est le frère cadet, le disgracieux. La fille, elle, adolescente aux cheveux couleur miel avec ses jambes tellement longues et fuselées, a disparu … Bref, il faut la retrouver. La peur de tomber dans une certaine caricature m’envahissait petit à petit. Mais (et heureusement) au fur et à mesure, l’ambiance se trouble réussissant à me donner l’envie de lire, peut-être, un polar.
L’eau est omniprésente dans ce livre, immobile et sournoise comme le mal qui ronge les protagonistes de cette famille. Le lac Léman sert de toile de fond aux secrets qui se cachent derrière les murs des luxueuses villas dans cette Suisse maniaque de la propreté dont certaines banques recyclent l’argent sale. L’ambiance est enveloppante et malsaine. On assiste à un va-et-vient entre le présent et le passé, entre les crises de panique de Benjamin qui paralysent toute sa vie sociale, les réminiscences d’une enfance en apparence heureuse et privilégiée et les années qui ont suivi le jour maudit de la disparition de sa sœur Summer. Les apparences sont réduites en miettes, tout est prêt à voler en éclats.
Benjamin est un malmené de la vie rongé par les secrets familiaux. Du statut d’enfant angoissé, il passera à celui d’adolescent mal dans sa peau pour arriver à l’adulte chargé de culpabilité. Un phénomène d’auto protection se développera dans son cerveau pour faire face à l’inacceptable.
Son personnage est bien plus intéressant que les autres. C’est un gars à la psyché perturbée qui s’acharne à vivre dans l’absence de cette soeur tant admirée et dans l’ombre de parents.
Cet enfant, adolescent et homme est toujours à l’ombre, sa personnalité n’arrive pas à émerger, il conserve une chape de plomb au-dessus de sa tête. Il se construit avec les moyens du bord. Ses angoisses tout au long des pages sont très lourdes et il est évident que cette quête de vérité le mène sur un chemin chaotique et destructeur. L’auteure, Monica Sabolo, lui laissera t-elle une chance de rédemption à la fin de son histoire ? S’en sortira t-il « aussi bien » que sa soeur ?
Titre : Summer
Auteur : Monica Sabolo
Editions : JC Lattès
320 pages
Parution : Août 2017
ISBN : 978-2-7096-5982-6
Catégories :Auteur français Littérature française Roman psychologique
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