Le nom de Yasmina Khadra, auteur(e) de Dieu n’habite pas la Havane, m’évoquait tout naturellement une consonance féminine … et non ! Cet auteur sans « e » a choisi de rendre hommage aux femmes algériennes et à son épouse en particulier, en prenant ses deux prénoms, Yasmina et Khadra. L’écrivain algérien Mohammed Moulessehoul ne révèlera son identité masculine qu’en 2001 avec la parution de son roman autobiographique L’Écrivain et son identité toute entière dans L’imposture des mots en 2002.
Dans Dieu n’habite pas la Havane, la musique est une renaissance à la vie. C’est ce que nous transmet Don Fuego, de son vrai nom Juan Del Monte Jovana, étoile de la chanson dans le passé, dont la voix tonitruante effleure encore les étoiles.
Protagoniste du roman et chanteur narcissique assumé, il a une longue carrière derrière lui. L’âge venant, il ne se produit plus que dans un seul club de la Havane, le Buena Vesta. Malgré tout, il accepte les tournants de sa vie avec une certaine éléganceet se nourrit de souvenirs. L’annonce du rachat de l’établissement dans lequel il se produit encore tous les soirs par une riche américaine le laissera assommé d’incompréhension. Que va t-il devenir ? Comment va t-il vivre ? Nous découvrons son parcours en recherche de contrats au moment où le régime castriste s’effondre provoquant, entre autres, le rachat à l’Etat de certains clubs, restaurants et hôtels par des étrangers. A la Havane, il faut être du « parti » pour survivre …
Il se sent bien seul, errant dans ses pensées d’avenir incertain. La vie va lui apporter une petite lumière, un espoir. A l’aube de ses 60 ans, une jeune femme mystérieuse, Mayensi, à la chevelure aussi flamboyante que son caractère entre dans sa vie. Femme ou apparition ? Paradis ou enfer ? Toujours est-il qu’elle fera renaître en lui la jeunesse de ses sentiments enfouis depuis tant d’années.
EXTRAITS
Luis est à l’accueil du Buena Vista depuis vingt-deux ans. À Cuba, certains portiers s’autorisent des galons plus larges que leurs épaules. Luis en est le parfait spécimen. En plus de sa mission domestique qui consiste à déployer un parapluie ou à trimbaler les bagages des clients, il s’arroge les prérogatives d’un agent de la sécurité : il filtre l’affluence, refoule les racoleuses qui viennent draguer les pépères friqués aux accents étrangers, moucharde aussi pour que le patron l’ait à la bonne, mais son loisir de prédilection à lui, ce sont les taxis qui débarquent avec leur lot de touristes. Quand il en voit arriver un, ses yeux flambent et sa moue de pitbull se laisse avaler par un sourire glucosé qui lui fend la figure en deux. Il dévale le perron d’une seule enjambée et, à l’instant où il ouvre la portière, son autre main réclame le pourboire. Dans la boîte, on l’appelle « le Magicien ». Il escamote si vite les pièces de monnaie qu’on lui glisse dans la paume que nul n’est assez alerte pour deviner dans quelle poche il les a mises.
Il faut me voir sur scène, avec mon panama enrubanné rouge sang, ma queue-de-cheval et ma dégaine. Lorsque je penche du buste en m’appuyant sur une jambe et en battant la mesure avec le bout de mon pied, la chemise ouverte sur le duvet de mon torse musclé, il arrive parfois à ces dames de tomber dans les pommes.
Si les gens continuent de fréquenter le « café », c’est grâce à moi, Don Fuego, le souffle incendiaire des Caraïbes.
Chanter, c’est ma vie.
Je suis une voix – ma tête, mes jambes, mes bras, mon cœur, mon ventre n’en sont que des accessoires de fortune.
Ma note : 2/5
Ce que j’en pense…
Dieu n’habite pas la Havane
Auteur : Yasmina Khadra
Editions Julliard
Publié en août 2016
312 pages
ISBN-10 : 2260024211
ISBN-13 : 978-2260024217
Catégories :Auteur algérien Littérature algérienne Roman
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